C’est sur le circuit Paul Ricard au Castellet qu’Audi nous a invités pour célébrer les 90 ans de la marque. Mais l’anniversaire de la réunion des 4 anneaux fut aussi le prétexte pour rappeler à tous, notamment aux trois du fond qui auraient oublié, qu’Audi rime avec…
Quand on s’intéresse un tant soit peu à l’automobile, on entend souvent parler des constructeurs anglais. Que ce soit pour la beauté des carrosseries qu’ils dessinent, pour la relative fiabilité des modèles qui sortent de leurs usines et même, pour certains, pour l’incroyable agilité dont leurs voitures font preuve. Ce serait oublier que certains artisans continuent de concevoir et d’améliorer des voitures d’exception, qui marquent les esprits des passionnés, tout en restant largement méconnus du grand publique. Je vous propose d’en découvrir ou redécouvrir trois avec la mini-série L’automobile à la Shakespeare. Mon premier choix ? Morgan.
Petit historique
Je vais vous parler d’un temps que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître. En 1905, Henry Morgan, fondateur de la marque éponyme, n’était qu’un simple ingénieur du rail reconvertit en concessionnaire qui distribuait les marques Darracq, Wolseley, Siddeley et Rover. Il n’aura pas fallu longtemps avant que l’envie de créer sa propre marque ne prenne le dessus, puisqu’en 1910 sortait son premier modèle : la Runabout. La particularité de cette dernière, c’est qu’il s’agit en réalité d’un tricycle. Deux moteurs étaient disponibles : un monocylindre de 4 chevaux ou un bicylindre en V de 8 chevaux. Il n’y avait pas de volant mais un simple levier pour commander les roues avant. De plus, il s’agissait d’un véhicule qui n’avait qu’une seule place ! Ce n’est qu’en 1936 que Morgan sortira son premier modèle à quatre roues, la 4/4 (pour 4-cylindres et 4 roues).
Au fil des ans, la marque n’a cessé de produire des déclinaisons de la 4/4 avant d’introduire en 2000 un modèle à part dans la gamme, l’Aero 8. La compétition fait partie intégrante de l’histoire de Morgan. On compte par exemple de multiples participations aux 24H du Mans avec notamment une victoire en catégorie 2L en 1962, et plusieurs victoires dans des championnats nationaux dans les années 1970 et 1980.
La gamme actuelle
Il existe trois sections dans la gamme du constructeur anglais : 3-Wheeler, Classic et Aero.
La 3-Wheeler
En 2014, Morgan a décidé de revenir à ses premières amours en réinterprétant le tricycle Runabout. Il est difficile de vraiment décrire la 3-Wheeler, tant elle se distingue d’absolument toute la production automobile actuelle.
Prenez un V-twin (un bicylindre en V, pour ceux qui ne seraient pas familier avec le langage motard), entourez-le de deux roues à rayons, mettez des sièges derrière et enfin terminez avec une unique roue arrière motrice. Enveloppez le tout dans une carrosserie minimaliste et vous obtenez la 3-Wheeler ! Le croisement heureux entre la moto et l’automobile en somme. Le petit cockpit ne regroupe que ce qui est absolument essentiel au fonctionnement du tricycle, n’espérez pas y trouver de radio et encore moins de système de chauffage.
Avec seulement 83 chevaux, on pourrait penser que la 3-Wheeler ne s’apprécie qu’en balade à rythme raisonnable. Sauf qu’avec un poids à vide de seulement 525 kilos, elle est en réalité capable d’atteindre les 100 km/h en 6 secondes. Sachant que c’est un saute-vent qui fait office de pare-brise et que l’on est assis quasiment au niveau du sol, cela doit faire son petit effet !
Les Classics
Sous ce patronyme se cachent toutes les Morgan qui ont conservé leur look de sportives d’antan. Chaque Morgan est assemblée autour d’une structure en bois de frêne, qui repose sur un châssis en aluminium, et les panneaux de carrosserie, en alu eux-aussi, viennent se fixer autour de cette structure. Malgré cette spécificité, les crash-tests sont passés haut la main.
Le design rétro complètement assumé n’a pas pris une ride. Capot interminable, arches de roues sculpturales, jantes à batons… En croiser une sur la route nous transporte immédiatement dans le temps ! La gamme de compose de l’entrée de gamme 4/4 qui développe 112 chevaux, vient ensuite la Plus 4 et ses 156 chevaux, puis la Roadster motorisée par un V6 3.7 de 284 chevaux et enfin la Plus 8 qui gagne un V8 BMW de 4.8 L et 372 chevaux.
Cette dernière est la seule de la gamme Classic à avoir un design un peu plus néo rétro, avec notamment des jantes en alu, une face avant un peu plus épuré et un intérieur revu.
L’Aero 8
En 2000, la marque s’est dit qu’il était temps de proposer à ses clients une Morgan totalement nouvelle, plus actuelle, sans toutefois renier ses origines : l’Aero 8 était née. En 15 ans de carrière, elle a su évoluer pour affiner ses traits et le millésime 2015 se montre plus désirable que jamais.
Les plus observateurs auront remarqué les phares de la Mini Cooper S première génération ainsi que les feux de la berline Lancia Thesis. Pour la petite anecdote, les critiques n’ont pas été tendres lors de la présentation officielle en 2000. Beaucoup reprochaient aux designers de la marque d’avoir conféré un regard « louchant » à l’Aero 8, ce qui obligea ces derniers à corriger le tir pour les années suivantes. Sous le capot, on retrouve le même V8 que dans la Plus 8.
En 2005, le roadster reçoit un toit en dur non amovible et devient, le temps d’une édition limitée à 100 exemplaires seulement (symbolisant les 100 ans d’existence de la marque), le sublime coupé Aeromax. Au diable l’objectivité, la pureté des formes ira même jusqu’à me faire dire qu’il s’agit pour moi de l’une des plus belles autos de la dernière décennie, la finesse de la ligne n’étant pas sans rappeler la mythique Bugatti 57 SC Atlantic.
Si cette petite plongée au cœur de l’artisanat automobile anglais ne vous a pas donné envie de passer vos cinq prochaines nuits à configurer fébrilement la Morgan de vos rêves sur internet tout en échafaudant des plans afin de pouvoir vous offrir la petite option qui fait toute la différence, alors je ne peux plus rien pour vous. Trêve de plaisanterie, il est franchement agréable de voir que la passion n’est pas morte, et que l’automobile, même en 2015, ne se limite pas aux rassurantes autos standardisées des constructeurs généralistes.
Crédit photos : Morgan Motor Company Limited, zapdelight
je me suis approché ce matin d’une qui est garée dans le hall privé d’un garage à chambéry ! c’est beau ! mais très bas .. Aéro 8 hard top .
Magnifique article Jalil,
Le constructeur de Malvern est l’exemple même de cet artisanat d’art haute couture qui se joue du temps, de la société de consommation et exalte les passions.
J’en veux une pour Noël, je vais aller couper le sapin (non, non pas le ministre…) et agrandir le conduit de cheminée…
Et pour reprendre le refrain du poème à celui dont le prénom est homophone à un célèbre constructeur de l’île Seguin :
…
J’suis qu’un fantôme quand tu vas où j’suis pas
Tu sais ma môme que j’suis Morgan de toi.